édito #1

Strabic

Après une longue gestation et de nombreux débats, Strabic prend enfin son envol. Finie, la couvée ! Le nouveau-né est lancé avec l’eau du bain dans une atmosphère toute numérique et on espère bien l’y voir grandir rapidement. Fidèles à notre premier mot d’ordre, amour de l’exotique et crainte de l’exhaustif, nous passerons à la loupe diverses postures en marge ou à l’horizon d’une discipline toujours à l’état gazeux : le design. Pour cette jeune revue, nous avons de nombreux projets, certains déjà bien avancés, d’autres encore en cours d’élaboration. Mais pas de précipitation, commençons par le commencement et inaugurons notre première saison.

L’usager au pouvoir ?

Autres perspectives de conception ou simples stratégies de communication ?

De la customisation de baskets aux designers en résidence, du Do It Yourself (DIY) à l’obsolescence du statut de concepteur : comment l’usager, de simple destinataire anonyme, devient-il acteur du projet ? Dans quel but les professionnels du design revisitent-ils les méthodologies traditionnelles de leur discipline ?

Focus sur ces pratiques où l’usager n’est plus le dernier maillon de la chaîne.

Participation
Élaborer avec et non plus pour. Certains concepteurs pensent qu’il est plus pertinent de construire un logement, un objet ou un service en tant qu’usager plutôt qu’en étant isolé derrière un écran d’ordinateur. Strabic reviendra ainsi sur une expérience participative initiée à la toute fin des années 1970 aux États-Unis, où des paroissiens guidés par Charles Moore furent amenés à penser la conception d’un bâtiment entier. Les paysagistes et architectes Méryl Septier et L’Atelier Sans Tabou reviendront sur les divers échanges entretenus avec les habitants de deux territoires en pleine mutation. François Jégou soutiendra, quant à lui, une innovation sociale par le design. Émergent ainsi de singuliers concepteurs, à mi-chemin entre voyageurs de passage et performers, psychanalystes territoriaux, aides à domicile et grands frères imaginaires…

Collectif

Faire ensemble pour mieux vivre ensemble. La figure du groupe paraît plus à même d’ouvrir des faisceaux de recherches, en lieu et place d’un concepteur bien en vue imposant une vision unilatérale. Strabic s’attachera aux démarches collectives telles que l’association Bruit du Frigo, qui explore l’habiter entre utopie et réalité, et les expérimentations architecturales de Patrick Bouchain dans le logement social, où le construire ensemble vise à se reconstruire soi-même.

Auto-construction

A contrario, façonner soi-même ses objets ou son lieu de vie n’élimine pas nécessairement la place du concepteur mais permet de requestionner modes de production et de fabrication. Strabic jettera un œil avisé sur les maisons des Castors construites dans l’Europe de l’immédiat après-guerre. Les objets auto-produits et diffusés librement par Christophe André seront également examinés : retour en arrière, esprit du temps ou solution d’avenir ? Ingi Brown tranchera en défendant une vision singulière de l’usager-concepteur.

Client roi ?

Des volontés de vente toujours plus puissantes injectent, dans des domaines complètement différents, des logiques similaires. Nous verrons avec Arnaud Colin et Anthony Masure quelle est la réalité des choix proposés à l’usager, sur les chaînes de production de l’industrie automobile comme dans les boîtes à outils de la conception graphique. Strabic essayera de s’immiscer dans les arcanes du marketing et de démêler stratégies de séduction marchande et vraies intentions d’ouverture. L’usager au pouvoir n’est pas synonyme de client roi. En témoigne l’émergence de ce contre-pouvoir qu’est l’open source.

Au vu des publications de plus en plus nombreuses sur le sujet et de la richesse des postures orientées en ce sens, on peut se demander si ce n’est pas l’évolution contemporaine du design qui est là en train de s’écrire. En ce début de XXIe siècle, la marge deviendrait-elle la norme ?

Strabic remercie tout particulièrement Perrine Boissier pour son œil avisé.

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