La mode au Trianon, ou l’héritage en question

Le Musée Galliera, toujours fermé pour travaux, propose une nouvelle exposition hors-les-murs, dans le château du Trianon à Versailles. Celle-ci s’intitule Le XVIIIe au Goût du Jour et nous présente cet âge d’or de l’élégance à la Française tel que l’ont revisité les créateurs durant tout le XXe siècle.

Le parcours de l’exposition nous éclaire sur les différents termes propres aux vêtements de l’époque. Robe Watteau, Grand habit, robe à l’anglaise, … sont mis en parallèle avec des créations modernes, de Jacques Doucet à Martin Margiela, issues des collections du Musée ou des archives des maisons de coutures.

Rochas par Olivier Theyskens, 2006 © EPV / J-M Manaï, C. Milet
Rochas par Olivier Theyskens, 2006

Il est amusant de voir la mode, cet éternel goût du jour, se livrer à son exercice de style favori : redessiner sa propre histoire. On découvre ainsi comment chaque décennie du siècle dernier revisite l’époque, y puisant ce qui fait sens alors : les créateurs des années 50 la traitent en surface et fils d’or, tandis que ceux des années 1980 ou 1990 la pastichent. La silhouette New Look de l’Après- Guerre, dessinée par Christian Dior, s’affirme ainsi par sa modernité, ses lignes nettes et sa taille marquée mais ose néanmoins quelques références historiques dans l’ennoblissement des matières : richesse des textiles, broderie, etc. En revanche, c’est avec le vocabulaire des formes du XVIIIe siècle que Thierry Mugler joue pour composer ses fantasmagories, à l’image de cette robe "Constellation" issue de la collection Haute-Couture 1997-1998.

On constate enfin comment un regard étranger sait relire avec parfois plus de subtilité un héritage aussi riche (et lourd ?). En effet, les pièces des japonais Yohji Yamamoto et Rei Kawakubo, pour sa marque Comme des Garçons, tranchent, au delà de leur austérité, par la justesse de leur réinterpétation. Plus qu’une copie conforme ou une multiplication de références, la trace, l’indice d’un élément de l’époque suffisent pour nous en remémorer sa beauté.

Robe à la Francaise, vers 1750-1755, musée Galliera et Vivienne Westwood, collection Vive la Cocotte, Automne-Hiver 1995-1996. ©Versailles C. Milet
Robe à la Francaise, vers 1750-1755, musée Galliera et Vivienne Westwood, collection Vive la Cocotte, Automne-Hiver 1995-1996.

Il y a, il faut certes l’avouer, un vrai plaisir à contempler les débordements de volants et de ruchers, le faste et l’éclat des ces tenues historiques telles que nous les livrent, presque littéralement, Vivienne Westwood ou Christian Lacroix. Mais sous les ors et les tentures passés des salles du Trianon, la citation historique se révèle être un exercice délicat...

C’est une jolie leçon d’histoire de la mode comme sait si bien les écrire Olivier Saillard, nouvellement nommé à la tête du musée. Mais celle-là nous met surtout en appétit pour une nouvelle exposition d’envergure à Galliera.

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