L’arbre, notre puissant allié !

Écrit par Irène Laplanche, en partenariat avec Nonfiction.fr

Qui n’a pas appris que les arbres mangent le CO2 que nous émettons et le transforment en l’oxygène que nous respirons ? Qui n’a pas eu envie de planter un arbre pour le regarder pousser ? Qui n’aime pas les arbres, l’ombre qu’ils nous prodiguent en été, le soleil qu’ils laissent passer au travers de leurs branches nues en hiver ? Pourtant : on a parfois vu les jardiniers du service espaces verts de sa commune élaguer les beaux platanes, marronniers… et autres arbres d’alignement qui nous sont si agréables.

Les plaquettes d’urbanisme, architecture, opérations immobilières… ont trop souvent utilisé des arbres à maturité sur les photomontages de projet, pour ne livrer que des moignons tristes et peinant à pousser au milieu du béton à la fin du chantier. Des arbres sont abattus, et cela est révoltant.

Que celui qui n’a pas lu Francis Hallé coure dans la librairie la plus proche et reparte avec, dans sa poche, Du bon usage des arbres ! Ce plaidoyer à l’attention des élus et des énarques se propose de dépoussiérer le rôle essentiel et bénéfique des arbres dans nos sociétés. Haro sur les prétendues tailles de printemps, l’abattage des arbres de bords de route ; nous allons enfin comprendre le fonctionnement des arbres et apprendre à les respecter !

C’est au moyen de quatre-vingt pages percutantes que l’auteur s’engage à convaincre les élus que les arbres sont sous la responsabilité de tous, qu’ils sont maltraités et nous rappelle que nous ne survivrions pas sans ces silencieux alliés.

Réévaluer notre regard et nos pratiques à l’égard de l’arbre

En matière d’arbres règne un large consensus ; nous les aimons, mais nous ne les connaissons pas bien. Aussi, si un arbre poussant librement a toutes les chances de devenir un grand, beau et vieux sujet, les conditions de vie de nos arbres « entre béton et bitume » (Maxime Le Forestier) sont bien moins faciles.

Un arbre de cent ans vous impressionne ? Détrompez-vous ! Un arbre est capable de vivre presque indéfiniment, c’est l’être vivant dont la vie est la plus longue. L’auteur n’a pas peur des poncifs, donc de rappeler que la taille du système racinaire de l’arbre est au moins identique à la taille de son système aérien, et que ces mêmes racines, que trop d’engins de chantier meurtrissent, sont indispensables à la survie de ce grand individu.

Voilà qui explique pourquoi un certain nombre de sujets, plantés trop près de bâtiments, dans des fosses peu profondes, ne poussent pas correctement… Mais ce ne sont pas les seuls maux que nous causons aux arbres si l’on en croit l’auteur : « respecter les arbres, c’est s’interdire de les soumettre à des tailles ou à des élagages sévères qui les laissent marqués par des plaies de grand diamètre et qui, de ce fait, les vouent à la maladie ou même à la mort. »

La lecture nous emmène de surprise en surprise : les recherches de paléoanthropologie ont montré que, comme le disait Darwin, l’homme descend du singe, c’est-à-dire que nos origines sont arboricoles. Un certain nombre des caractères du genre humain (verticalité, vie en société, aptitude au langage) viendrait donc de cette descendance…

L’arbre nous apparaît moins inconnu, plus amical, toujours plus beau et précieux. Mais l’objectif de l’auteur n’est pas seulement de nous en apprendre sur l’arbre, il se serait alors contenté d’une réédition du Plaidoyer pour l’arbre (Actes Sud, 2005). Il espère faire changer les comportements des élus, les « responsabiliser » en commençant par se débarrasser de toutes les mauvaises pratiques.

Bousculer les idées reçues

La place de l’anecdote est prépondérante dans le livre : c’est par l’exemple que Francis Hallé construit son argumentation, en démantelant une à une les théories loufoques qu’ont briguées certains élus afin de justifier leur comportement assassin vis-à-vis des arbres.

La taille, nous l’avons vu, est une grossière erreur. Mais pire encore : l’avènement de l’automobile a entraîné un abattage massif des arbres des bords de route dans la seconde partie du XXe siècle. Pour indication : dans le département de Seine-et-Marne, on dénombrait 200 000 arbres de bords de route à la fin du XIXe, et seulement 17 500 en 2009. Qu’est-ce qui a entraîné un tel massacre ? Des théories absurdes accusant ces mêmes arbres d’être responsables des accidents de la route.

« Pour un vieil arbre abattu, dix jeunes arbres seront plantés. » Arnaque, si l’on en croit Francis Hallé, car dix jeunes arbres ont un prix, un coût d’entretien, et mettront du temps avant de produire les mêmes bienfaits qu’un vieil arbre qui lui est déjà là, en pleine santé probablement, et qui, surtout, a une valeur patrimoniale inestimable.

Le style est acéré, pointu, vindicatif. On n’en attendait pas moins d’un plaidoyer, ni de son auteur : il réussit le tour de force de convaincre, faire rire, outrer et enseigner. Il est agréable de lire un livre sans retenue, qui ose affirmer que les arbres « nous font du bien », qu’ils nous rendent heureux, et qui va puiser ses sources, ses citations dans la chanson française comme dans des articles scientifiques. Francis Hallé sait ne pas être manichéen, et parce qu’il connaît bien son sujet, saura faire réagir son lecteur, le séduire et lui donner envie de conseiller, prêter ou offrir ce plaidoyer !

Francis Hallé, Du bon usage des arbres, Actes sud, 2011. ISBN : 2330000057

texte : creative commons - images : flickr pedrobiondi.

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