100 ans de logement social
Il est pas si blême, mon HLM

Écrit par Caroline Bougourd

Certains préfèreront admirer les belles images de l’exposition "Vers de nouveaux logements sociaux" présentées à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, mais, pour notre part, nous avons privilégié une approche historique et ô combien d’actualité : l’exposition "1912-2012 - 100 ans de logement social".

À l’initiative de l’Association Toit et moi impulsée par Plaine Commune Habitat, l’exposition prend place à Saint-Denis, dans un département lourdement stigmatisé par l’importance des HLM implantés sur son territoire. Par ailleurs, le commissariat scientifique de l’exposition est assuré par les historiens qui font aujourd’hui référence concernant l’habitat de banlieue au XXe siècle, telles Annie Fourcaut et Danièle Voldman.
C’est dire si tout semble réuni pour proposer un contenu de qualité.

L’exposition débute inévitablement par les conditions d’habitat des classes populaires autour de 1900, entre taudis et bidonvilles. Rappelons que le mal-logement n’est absolument pas une question aujourd’hui résolue, comme en témoigne le magnifique web documentaire de Samuel Bollendorff et Mehdi Ahoudig pour la Fondation l’Abbé Pierre, "À l’abri de rien" ou encore l’ouvrage de Joy Sorman et Éric Lapierre sur L’inhabitable.

Le logement social est initialement créé afin d’endiguer ce fléau qu’est l’habitat insalubre, pourvoyeur d’épidémies et responsable de nombreux décès.
Mais aussi, pour les précurseurs du logement social, à savoir les patrons philanthropes de la fin du XIXe siècle, l’amélioration des conditions d’habitat a pour but de fixer une main-d’œuvre bon marché auparavant très mobile et assainir les mœurs d’une certaine classe sociale...

Mais là n’est pas le sujet principal de l’exposition.

En effet, ce qui est ici célébré, ce sont les 100 ans de la loi Bonnevay, qui offre la possibilité aux communes et départements de créer des offices publics d’HBM (Habitations à Bon Marché, ancêtres des HLM, Habitations à Loyers Modérés). Même si les HBM sont nés en 1894 de la loi Siegfried, c’est la première fois en 1912 que l’État donne aux collectivités locales le pouvoir d’intervenir pour le logement social : auparavant, les seules initiatives étaient privées et ne suffisaient pas à résoudre la crise du logement.

Les différentes périodes historiques sont retracées avec précision et concision, des cités-jardins des années 30 aux Trente glorieuses en passant par l’appel poignant de l’Abbé Pierre en 1954, des foyers des travailleurs migrants aux crises des banlieues jusqu’à la création de l’ANRU en 2003, les documents présentés permettent de prendre du recul sans jamais caricaturer ni simplifier.

Les évolutions formelles tant à l’extérieur des logements qu’à l’intérieur sont brièvement évoquées afin de mettre en lumière les véritables conditions de vie des locataires.

Si l’exposition présente quelques maladresses, tels que le déplacement non-intuitif ou le son mal réglé de certaines vidéos, elle donne néanmoins à lire toute la complexité des questions relatives au logement social.

Les nombreux documents d’archives révèlent des aspects parfois méconnus de ce passé proche. Mais la plus grande réussite de l’exposition réside dans la mise en relation entre les politiciens, les lois votées et les conséquences sur le logement social. Le visiteur comprend alors parfaitement l’incidence de la politique sur la vie quotidienne des classes populaires. L’exposition permet enfin de poser clairement les bases du débat sur le logement social, sans effets d’annonce ni populisme.

À ce titre, l’usage d’un mur d’expression coloré de multiples Post-it ainsi que le livre d’or de l’exposition déjà bien rempli où se mêlent dessins d’enfants, souvenirs, témoignages et déclarations politiques peuvent paraître paradoxaux. Ils permettent cependant de prendre le pouls de l’urgence d’une véritable réflexion sur le logement aujourd’hui.

Une exposition plus que jamais d’actualité. À voir avant d’aller voter...

"1912-2012, Cent ans de logement social".
Du mardi au dimanche, de 10h à 18h, salle de la Légion d’Honneur à Saint-Denis, jusqu’au 22 mai. Entrée libre.

Programme des balades urbaines sur le site.

Une exposition "numérique" permet aussi d’accéder depuis chez vous à de nombreux documents d’archives.

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