Aspen Interactive Movie Map

Écrit par Tony Côme.

Le Google Street View d’avant Google Street View : un projet développé par le MIT dès 1977.

L’histoire des visites urbaines virtuelles reste à écrire. Elle est truffée de projets et de prototypes assez étonnants.

Il faudrait évidemment y mentionner ce tour de Los Angeles qu’effectue en 1972, à la demande de la BBC, le théoricien de l’architecture Reyner Banham embarqué dans une grosse cylindrée américaine. En spécialiste [1], l’historien s’amuse à suivre et à commenter les trajets que lui propose une voix enregistrée sur cassette audio.

Guide virtuel d’une visite bien réelle, lointain aïeul des audioguides de nos musées contemporains, ce support vient en quelque sorte sur-titrer l’expérience urbaine mais n’a pas la prétention de la synthétiser ni de la modéliser…

Pour faire échos aux cartes des Éditions Extraordinaires précédemment présentées sur Strabic, il faudrait surtout ne pas oublier d’inclure à cette histoire le projet réalisé par l’Architecture Machine Group du MIT, entre 1977 et 1981.

Google Street View de Cro-Magnon, l’Aspen Interactive Movie Map tente de reconstituer la déambulation urbaine sur des écrans tactiles eux-mêmes encore en cours de développement. Grande première dans l’histoire des technologies mais aussi en matière d’appréhension de la ville. L’arpenteur n’aura maintenant qu’à rester chez lui, bien enfoncé dans son canapé.

« Reconstituer ». Tout l’enjeu de ce programme de recherche réside en ce terme. À quel point le poulet reconstitué de nos cantines évoque encore la volaille originelle ? Ou, dans notre cas, dans quelle mesure l’expérience urbaine reconstituée approchera la déambulation in situ ?



Évidemment, pour commencer, les chercheurs du MIT ont dû choisir une ville plus modeste que Los Angeles : Aspen dans le Colorado, petite station de ski des Rocheuses que Google n’a quadrillé jusqu’à ce jour – ironie de l’histoire – que très partiellement. Ce choix étant fait, ils leur a également fallu faire un peu de tuning, soit équiper le toit d’un véhicule de quatre caméras 16mm munies d’un stabilisateur gyroscopique : proto Google car ou, mieux encore, « Google concept car  » pour respecter la terminologie du milieu automobile. À ce stade, la recherche présente toujours un aspect DIY (Do It Yourself), un côté savant bricolage : la distance parcourue est mesurée par un capteur optique fixé sur une roue de bicyclette qui traîne derrière la voiture !
(Vive les mariés !)

Ces données étant captées, venons-en à l’interface. Outre une esthétique très eighties, quelques détails intéressants la distingue de sa descendante de chez Google. L’Aspen Interactive Movie Map mêle déjà immersion urbaine et cartographie classique, elle permet déjà de faire le saut entre ces deux modes de lecture ainsi que de zoomer/dézoomer. De plus, comme dans les dernières versions de Street View, certains bâtiments pouvaient être vus en 3D ! Déjà !

Mais le prototype américain permettait également à l’arpenteur de revoir le parcours qu’il venait d’effectuer et, option très intéressante, de choisir sa saison de visite ! Libre à lui de voir Aspen avec ou sans neige ! Questionnée récemment dans « Google Street Sound », une fiction de Loup Cellard, la problématique du moment fécond de la captation était ainsi évacuée.

Et l’immersion de s’affirmer d’autant plus paramétrable. Et la reconstitution de revendiquer une vraie complémentarité vis-à-vis de la réalité : possibilité de visiter, en été, Aspen en hiver et vice versa.

Bref, une interface rafraîchissante !

[1Reyner Banham, Los Angeles The Architecture Of Four Ecologies, Harper and Row, 1971.

texte : creative commons

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