Svenskt Tenn, la sensation suédoise.

L’Institut suédois, situé rue Payenne à Paris, propose ces jours-ci de parcourir une épopée singulière dans l’histoire du design, celle de Svenkst Tenn.

En 1924, Estrid Ericson, alors professeur d’art, décide d’ouvrir à Stockholm une boutique qui promeut l’art de la décoration en étain : Svenskt Tenn. Une dizaine d’années plus tard, l’architecte autrichien Josef Frank se joint à l’entreprise et, en devenant le directeur artistique, y introduit le design d’intérieur.

L’exposition Svenskt Tenn : un classique du design, invite à découvrir cette collaboration encore trop méconnue au travers de pièces artisanales d’une grande élégance, comme la Chaise 300, inspirée de la chaise grecque Klismos – l’une des premières à avoir un dossier arrondi. Josef Frank affirme la ligne archétypale de la chaise, amplifie la courbe du dos et crée une assise épurée mais généreuse. Son acte créatif pourrait d’ailleurs se définir ainsi : « épuré mais généreux ». Frank abhorrait l’austérité de ses confrères allemands et néerlandais qui, réduisant à l’extrême le couple forme/fonction, faisaient du fonctionnalisme un principe d’économie autoritaire :

Il est facile d’éviter tout mauvais goût, si vous vous limitez à un ascétisme exsangue et à supprimer toute expression d’un tempérament. Le bon goût devient tristement ennuyeux.

L’ascétisme qu’il dénonce est, entre autres, celui de l’économie du décor. Alors que « […] le design “pur” condamne le motif floral » (Jean Baudrillard, décrivant la « Crise du fonctionnalisme » dans Pour une critique de l’économie politique du signe), Frank fait de ce dernier un élément pertinent.
En créant un répertoire formel organique, raffiné et coloré, et en expérimentant les techniques d’impression, il met en scène un jeu de lignes sinueuses et complexes qui crée des décors naturalistes réjouissants.

Premier en la matière, le tissu Mirakel sera choisi pour le revêtement du canapé Liljevachs, pièce-manifeste de Svenskt Tenn. Exposée en 1934, cette assise qui dessine une ligne générale courbe et délicate offre à l’usager un confort singulier. Tout en lui appelle au relâchement du corps, à la paresse d’une soirée hivernale : sa largeur inhabituelle (140 cm), son rembourrage rebondi, ses coussins voluptueux, mais aussi son textile animé par de fines lignes serpentines sur lesquelles s’égrènent des motifs floraux variés aux couleurs vives (jaune, violet, bleu pastel, rouge, nuances de vert). Imprimé sur un fond noir - ce qui accentue le contraste avec la vitalité colorée du dessin - Mirakel est une union réussie entre le ciel noir d’hiver et le réconfort d’un intérieur intimiste, chaleureux. Pour Frank, le bien-être de l’usager est primordial, et c’est parce qu’il en fait une condition sine qua none du design qu’il abandonne la ligne droite, la blancheur monacale et l’art tubulaire, pour le bois, la couleur et surtout la transversalité temporelle :
fort de sa culture viennoise Art Nouveau et de son grand intérêt pour les Arts & Crafts, il réussit à intégrer dans le paysage moderniste un nouveau paradigme qu’il appelle « philosophie des coïncidences heureuses ». Soit, la rencontre entre des formes de diverses époques donnant lieu à une combinatoire illimitée d’intérieurs et à une exploration infinie des motifs.

Aujourd’hui Svenkst Tenn poursuit le travail inauguré par Josef Frank, devenu une figure tutélaire du design scandinave. La boutique, toujours ouverte à Stockholm, propose même dans des versions toiles cirées et papiers peints les motifs Mirakel et Manhattan, autre textile culte de la marque.

Pour en savoir plus sur Josef Frank.

Svenskt Tenn : un classique du design / jusqu’au 23 octobre 2011 / 11, rue Payenne Paris 3e.

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