Du Rubik’s Cube au Perplexus

Écrit par Caroline Bougourd

Depuis le 20 octobre 2011, est disponible en France un jeu au nom révélateur : le Perplexus.
Mais avant de le découvrir, souvenez-vous, il y a 30 ans, un jeu au succès très vite planétaire : le Rubik’s Cube. Inventé en 1974 par le hongrois Ernö Rubik, professeur d’architecture, de design mais aussi de mathématiques, et même philosophe à ses heures... À propos de son casse-tête, il déclarait :
"Cet objet est un exemple admirable de la beauté rigoureuse, de la grande richesse des lois naturelles : c’est un exemple frappant des possibilités de l’esprit humain d’en éprouver la rigueur scientifique et de les dominer. Il représente l’unité du vrai et du beau, ce qui pour moi signifie la même chose". Déjà tout un programme.

Le Rubik’s Cube a définitivement coupé le monde en deux : il y a ceux qui réussissent à rétablir la configuration colorée initiale, et ceux qui s’y sont acharnés en vain et qui ont fini par laisser traîner l’objet de l’échec dans un coin de bibliothèque. Néanmoins, une chose est sûre, le Rubik’s Cube est devenu un objet culte des années 80.
Dès lors, peut-on imaginer qu’un autre casse-tête, à l’heure du tout numérique, puisse raisonnablement prendre sa succession ?

Auscultons maintenant ce que notre tout jeune Perplexus a dans le ventre. Sphère transparente d’une vingtaine de centimètres de diamètre, elle renferme un parcours labyrinthique complexe dans lequel une boule est censée trouver son chemin. Les pièges sont nombreux et le chemin est jalonné de 100 numéros qui représentent autant de niveaux de jeu. Le joueur doit alors tourner, retourner l’objet dans tous les sens, avec plus ou moins de rapidité selon les obstacles. Et à chaque erreur, la boule tombe et le joueur doit reprendre au tout début du parcours.

Xavier Liard rappelait sur Strabic que les anciens jeux vidéos, ceux sur lesquels les gamers passaient des jours entiers, ne permettaient pas de sauvegarder les parties. Le fait de devoir toujours recommencer créait une certaine addiction, assez proche de l’attractivité que peut exercer Perplexus. C’est d’ailleurs un des points expliqué par Michael McGinnis, l’inventeur de cette sphère, dans une interview à la télévision canadienne.
Sauf qu’ici, aucune batterie ni coupure de courant ne vous empêchera jamais de jouer.

Prototype du Rubik's Cube
Il est amusant de noter que le Rubik’s Cube a été crée par un enseignant en architecture et le Perplexus par un enseignant en design. Plus précisément, ces casse-tête ont été créés pour leurs étudiants respectifs : dans le premier cas afin de développer leurs facultés de visualisation et dans le cadre d’un travail sur le labyrinthe pour le second. D’emblée il apparaît donc que tous deux ont des vertus pédagogiques, développant dextérité, pensée dans l’espace et anticipation.

Premier prototype du Perplexus
De plus, les deux casse-tête sont contemporains : McGinnis a inventé son premier Perplexus dans les années 70, mais suite à divers aléas, il n’a été produit que 30 années plus tard. Pour autant, il semblent appartenir à deux univers de référence distincts : si le Rubik’s Cube évoque la grille moderniste orthonormée en la pervertissant, Perplexus nous projette dans un univers de planétarium postmoderne. Mais entre la référence à l’architecture de la tabula rasa et l’influence de la conquête spatiale, ces deux objets sont finalement bien les deux faces d’une même époque.

Tous deux ont aussi en commun des volumes géométriques simples (le cube et la sphère) et des couleurs un peu criardes de jeux pour enfants. On retrouve aussi un type de bruit spécifique, celui des mouvements du cube ou celui du roulement de la bille, véritables signatures sonores de l’objet. Malheureusement, le Perplexus peut rapidement avoir un effet horripilant sur l’entourage...

Sur le plan du design, le Rubik’s Cube et son allure minimaliste semble plus abouti que le Perplexus. En effet, il demeure un certain nombre de défauts à la sphère, notamment l’aspect brillant du plastique constitutif de l’objet dont les reflets perturbent la lecture du labyrinthe interne. De toute évidence, il faut une bonne vue, car les numéros correspondants aux niveaux perdent en lisibilité ce qu’ils ont gagnés en discrétion. De plus, l’omniprésence des logos gâche l’élégance des formes labyrinthiques et tarabiscotées pliées et déployées dans un espace qu’on découvre plus grand qu’on ne l’imaginait.
Cependant, que les esthètes se rassurent, il existe une version "Epic" du Perplexus, bien plus ardue, et visuellement plus séduisante. Les escaliers d’Escher y côtoient des labyrinthes dignes des gravures les plus complexes de Piranèse. Attendons encore un peu qu’elle soit disponible en France... et entraînons-nous.
En souhaitant au Perplexus un destin aussi glorieux que son cousin le Rubik’s Cube.

texte creative commons

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